Neige blanche... [PvIsako]

Invité

Serais-tu aussi chaste que la glace
et aussi pure que la neige,
Tu n'échapperais pas à la calomnie.
Wiliam Shakespeare.

Le soleil était déjà bien haut, ce samedi là, lorsque l’héritière des Edokawa avait ouvert les yeux, ensevelie sous des océans de draps blancs d’où s’échappait une légère odeur de fleur de verveine. Les rideaux de sa chambre avaient été tirés, certainement par une des employées du Manoir, sans qu’elle ne s’en aperçoive, tant elle avait bien dormi. De toute façon, les servantes du Manoir étaient toujours silencieuses dans toutes les tâches qu’elles menaient, comme pour ne pas interrompre une seule note de musique classique qui résonnait dans tout le Manoir. Cette fantaisie était encore une des idées saugrenues de la mère de Reiko. Les médecins avaient dit que la musique calmerait ses crises…Tu parles… De toute façon, depuis l’accident du frère de l’héritière, Riku, Mme Edokawa ne faisait même plus la différence entre du Debussy et du Beethoven, c’est pour dire ! Reiko émergea de ses rêves en douceur et se revêtit de sa robe de chambre favorite, d’une couleur rose pâle presque translucide, où de jolies petites fraises avaient été cousues. Elle se rendit à la fenêtre et regarda au dehors. Une fine pellicule de neige recouvrait l’herbe et le gel ornait les fleurs des jardins.

Mélancolique devant ce spectacle, Reiko se dit alors que c’était une parfaite journée pour allé patiner. Quoi de mieux pour oublier ses soucis du quotidien ? Quoi ? Que pensiez-vous ? Que parce que qu’elle était nouvelle à Sakurai Gakuen, et qu’elle ne connaissait pas grand monde là-bas, elle n’avait pas de soucis ? C’est pourtant tout le contraire… Mais elle était épuisée. Elle avait passé des soirées et mêmes des nuits entière à essayé de rattraper le retard qu’elle avait accumulé l’année précédente, lorsqu’elle était au lycée d’Osaka. Finalement, ses efforts avaient payés, et Reiko était entrée à Sakurai Gakuen en classe de troisième B. Soit, d’élèves ayant largement la moyenne pour se sortir d’affaire si leurs parents décidaient de les déshériter. Enfin, c’est comme ça que la jeune Japonaise le voyait. Lassée, elle se dirigea vers sa salle de bain. Elle aurait tout le week-end pour faire ses devoirs ! Ruminant ses pensées, la jeune femme déjeuna, puis fila se revêtir d’une robe couleur crème, de collants assortis qui iraient parfaitement avec son nouveau manteau blanc dont la doublure était de l’hermine. Elle se coiffa rapidement, enfila une paire de botte à talons hauts et sortit en vitesse du Manoir, histoire de prendre un peu l’air, munie de ses patins. C’est ce même air, froid et légèrement humide qui lui claqua au visage avec tellement de violence qu’elle sentit des larmes emplir ses yeux chocolats. A la hâte, l’héritière quitta les banlieues riches, et il ne fallut à Reiko qu’une dizaine de minutes pour atteindre le parc d’Ueno. La verdure s’étendait devant elle, alors qu’une multitude de Japonais s’entassaient devant elle, en queue devant les guichets du zoo. Reiko poursuivit son chemin, se rappelant que pour les fêtes de fin d’année le « maire » de Tokyo avait fait installer – en plus de celle qui existait déjà- une patinoire en plein air. Reiko loua un casier (non sans tirer une grimace de dégout en voyant le peu d’hygiène des « classes pauvres » qui s’amusaient ici) et y déposa ses bottes. Elle lassa ses patins, et avec une certaine excitation de gamine de cinq ans qui découvre son nouveau jouet, se lança sur la glace. Du plus loin qu’elle se souvienne, Reiko avait toujours aimé patiner. Elle était assez douée (si on oubliait toutes les gamelles qu’elle pouvait se prendre par simple manque d’inattention). Immédiatement, le visage de son frère défunt lui revint en mémoire avec une précision et une netteté douloureuse. Reiko ne fit même pas attention au fait qu’elle prenait de la vitesse, fonçant tout droit sur une jeune Japonaise aux cheveux véritablement extraordinaires, et se laissa glisser lentement dans ses pensées.

Impacte dans 5…4…3…2…1…

BOOM !

L’idée de freiner ne lui avait même pas effleuré l’esprit et avait percuté la japonaise de plein fouet. Ah, elle devait avoir de la classe, ainsi, le dos sur la glace et les patins en l’air ! Frottant son dos endolorit, Reiko s’empressa d’allé relever la jeune femme. Se n’était pas dans ses habitudes de s’excuser, ou même de parler à un inconnue, et c’est sans doute pour ça que sa voix fut plus sèche qu’elle ne l’aurait voulut :

- Go-Gomen naisai… Ca va ?

Spoiler:

- Ano ... Taka-Kun ... Je vais m'endormir je crois. Mmmh. A la patinoire ce matin. Babye. Je te "nem" à la sauce qui pique.

De cette manière elle finissait souvent ses nuits, au téléphone avec Takamasa Tanaka. Autrement, elle restait allongée dans son lit à regarder le plafond de manière lasse. Ses nuits étaient des jours depuis la mort de son cher frère jumeau. Comment guérir de cette perte ? Et comme bien souvent, quand elle ne dormait pas, ce n'était pas le cas de Takamasa, alors ils s'appelaient.

~ Je n'arrive pas à dormir.
~ Moi non plus. J'attends ton appel.

Et ils restaient au téléphone jusque tard dans la nuit, tôt le matin.
Et Isako, ce matin-là avait prévu d'aller à la patinoire pour danser. Oui, pour danser. La danse, depuis toujours, était sa passion. Depuis quelques temps, elle avait décidé de s'essayer à la danse sur glace. Elle avait pris quelques cours pour le début, et depuis, y allait seule pour essayer des figures qu'elle voyait sur la chaîne du sport. Elle avait trouvé cette alternative à la danse pure et simple, qu'elle n'arrivait plus à pratiquer. Mais la sensation de glisser sur la glace lui procurait une telle liberté, que son esprit lui-même parvenait à se libérer.

Le lendemain matin, ou plutôt quelques heures plus tard, la jeune fille sortit du lit. Elle se dirigea vers la salle de bain qui jouxtait sa chambre. Elle se lava, puis commença à se coiffer. Isako avait les cheveux très longs, ce qui lui permettait de s'adonner à de gros délires capillaires.
Elle revêtit une tunique noire, par-dessus un jean, et enfila une veste de style tailleur. Attrapa son sac Panda, non sans vérifier la présence de son portable à l'intérieur et attrapa ses patins dans le bas de son armoire.
Elle descendit l'étage et entra dans la cuisine.

- Oka-San. Oto-San. Je vais patiner ce matin.

Elle attrapa un nigiri dans une assiette et le mangea.

Elle partit sans un mot. Sur le chemin, lecteur multimédia dans les oreilles, elle se laissa aller un peu à chanter. Mais elle ne souriait toujours pas. Isako ne souriait jamais.

Sur la glace, elle fît deux tours de patinoire. D'abord doucement, puis plus vite. Hélas, elle ne maîtrisa pas tout à fait sa trajectoire et rentra dans une jeune fille. A la vitesse où elle allait, elle ne put garder son équilibre et tomba les fesses sur la glace.
La jeune fille s'empressa de la relever en s'excusant platement.

- Non non ! C'est moi ! Désolée. Vous n'avez pas de mal ? Moi seulement un bleu, rien de grave ...