Inquiétude quand tu nous prends ~ Sayako

Il y avait déjà quelques jours que Keiji avait Shota avec lui. Il ne l’avait dit à personne et personne n’était au courrant excepté les Golden Boys. Bien sûr, étant les seuls êtres au monde en qui il avait confiance, il savait pertinemment qu’aucun d’entre eux n’irait s’amuser à le crier sur les toits. Keiji, papa.

Il ne s’y faisait toujours pas réellement, mais, d’un côté, il le fallait. Ce petit être avait besoin de lui. Oui, de lui. Pas de quelqu’un, mais de lui. Les domestiques qui s’occupaient du petit Shota lorsque Keiji était à l’école ne cessaient de s’en plaindre. Il pleurait souvent, rien ne le satisfaisait dans ces moments là, mais, dès que Keiji rentrait et qu’il le prenait dans ses bras, le bébé semblait se calmer. C’était la présence de Keiji qu’il voulait et, pour l’adolescent, c’était assez troublant.

Il en avait parlé à Masao. Ne parlant pas de trouble, mais de désagrément pour lui qui ne pouvait plus sortir comme il le voulait, bien entendu, mais il avait fait part du phénomène au connaisseur qui lui avait simplement répondu : tu es son père, c’est normal.

Keiji était donc pris au pied du mur, voilà ce qui expliquait qu’un vendredi soir, plutôt que d’être sorti comme à son habitude, il était chez lui, dans sa chambre, tournant en rond avec un bébé pleurant dans les bras. Il y avait une bonne heure déjà que c’était ainsi, pourtant, Keiji avait suivit le mode d’emploi de Masao à la lettre! Rien à faire. Et, bien qu’il ne l’admettrait jamais, Keiji commençait à être inquiet. Qu’est-ce qu’il avait ce bébé pour pleurer encore et encore?

Se décidant finalement de bouger, l’adolescent avait enfilé une veste, avait sommer qu’on avertisse son chauffeur de sortir la voiture, et il avait habillé chaudement le petit Shota avant de quitter sa chambre. Direction la clinique privée où Keiji avait l’habitude d’aller lorsqu’il souffrait d’un mal quelconque.

Une fois sur les lieux, le grincheux se mit à râler. C’était fermé! Normal, tard le soir ainsi, les cliniques privées n’étaient pas ouvertes, il fallait se rabattre sur les urgences. Mais Keiji, aller aux urgences? Jamais de la vie! Il n’y songeait même pas d’ailleurs. Butant simplement du pied contre la porte close de la clinique comme si un docteur allait par miracle se pointer même s’il n’y avait pas âme qui vive dans cet établissement.

Lorsqu’il était en colère ainsi, personne n’osait l’approcher, ce pourquoi son chauffeur restait sagement dans la voiture. Keiji pourrait très bien décider de lui taper dessus au lieu de rager contre la porte, l’homme préférait de loin que le garçon déverse sa colère sur la porte plutôt que sur lui.

Mais Keiji se foutait de la planète entière en ce moment, il fallait bien avouer ici qu’il se souciait bien plus de Shota qui pleurait et du fait qu’il ignorait ce qu’avait le bébé…

Vendredi soir. Il commençait à se faire tard, il était bien neuf heures passées et de loin. La jeune femme venait de manger avec ses parents. Ce n’était pas une soirée particulièrement réjouissante, même pas du tout réjouissante, mais elle s’était détachée de tout cela maintenant et ne ressentait qu’une amertume d’arrière-goût , quelque chose de fade qu’elle chassait au mieux pour ne pas y penser. Mais elle n’avait pas voulu les suivre dans la suite de leur soirée : plus précisément, une réception chez un acteur en vogue, rien qui pouvait intéresser la jeune femme. Si, à la limite, il s’agissait d’un photographe, pourquoi pas, mais un acteur qui était sorti avec sa mère avant son mariage… Il ne devait pas être bien plus futé qu’elle. Oui, Sayako était devenue un peu plus acide vis-à-vis de sa mère, mais tant pis, c’était ainsi… Les choses allaient un petit peu mieux dans sa vie, elle n’avait aucune envie de se mettre aussi mal qu’avant à cause de sa mère . Alors elle avait quitté le restaurant, prétextant un coup de fatigue pour pouvoir rentrer.

Ce soir, elle avait pris sa voiture de sport, sur demande de son père.

Superficialité, quand tu nous tiens… Mais d’un côté, Sayako adorait cette voiture. Une Ford GT absolument noire et propre comme un sous neuf. C’était son petit plaisir, même si cela ne servait absolument à rien dans les rues de Tokyo. La jeune femme se glissa donc au volant de son bijoux, portant un smoking féminin ainsi que des escarpins plutôt haut perchés. La chemise ouverte en un joli décolleté, elle avait tout d’une femme maintenant. Sa mère ne s’en rendait pas compte, mais définitivement sa fille ne passait plus inaperçu, surtout lorsqu’elle ne portait plus son uniforme. Mettant le moteur en route, elle adressa un dernier signe à ses parents qui étaient devant la porte du restaurant à attendre leur propre voiture. Et elle appuya sur l’accélérateur, démarrant dans un bruit sourd du moteur, ronronnement qui la fit sourire. Mais au lieu de rentrer directement, la jeune femme perdit un peu de temps à rouler lentement dans les rues illuminées, jusqu’à arriver quartier de Ginza.

Elle prit un peu de vitesse, mais pas trop, histoire de pouvoir un peu observer la ville autour d’elle.

Sayako n’était jamais lassée d’habiter ici, elle découvrait des choses tous les jours, et elle adorait cela.

Mais ce soir c’était une grosse surprise qui l’attendait, quelque chose de bien différent. Elle passa dans la rue où se trouvait une clinique privée qu’elle n’avait fréquenté qu’une fois. Le médecin qui avait été chargé de l’examiner quand elle en état de sous-nutrition évident avait été des plus désagréable. Surtout qu’il était une connaissance de ses parents… Devant cette clinique qui était, à cette heure, fermée attendait une voiture avec chauffeur et un peu plus loin une silhouette. Une silhouette ? Sayako venait tout juste de dépassait la clinique qu’elle faisait des marche-arrière dans un ronronnement sourd mais caractéristique des voitures de sport pour s’arrêter de l’autre côté de la rue. Ouvrant la porte, elle sortit, posant un pied sur le bitume, ne prenant pas le temps de remettre sa veste

« Keiji? »

La jeune femme traversa la rue, ayant tout de même coupé le moteur, elle arriva dans le dos du jeune homme qu’elle sentait énervé sans même avoir vu son visage.

« Tu es malade? »

Car oui, à cette heure pour se retrouver devant une clinique c’est qu’il y avait un problème… Malheureusement pour le jeune homme, c’Est-ce moment que sembla choisir Shota pour se remettre à pleurer, alors qu’il s’était arrêté quelques instants. Sayako fronça légèrement les sourcils. Un enfant? Elle ne savait pas si c’était le bon moment pour demander à Keiji s’il s’agissait de son propre fils ou d’autre chose… Même si elle penchait plutôt pour cette première possibilité. Elle s’approcha un peu, glissant ses clés de voiture dans sa poche.

« Je peux? »

Elle montra un instant le front du petit et franchit les derniers pas qui la séparait de l’enfant et du jeune homme, posant avec une délicatesse toute féminine ses doigts sur le front de l’enfant. Il était chaud , un peu trop pour que ce ne soit du qu’à la faim, et puis Keiji avait du le nourri…

« On dirait qu’il a de la fièvre… Tu veux l’adresse d’un médecin de garde? »

La jeune femme semblait elle aussi s’inquiéter pour l’état de santé du bout de chou absolument adorable que Keiji tenait dans les bras. Sayako leva ses yeux noirs vers lui, histoire de savoir ce qu’il en pensait. Avant d’apprendre qui était l’enfant, il fallait d’abord régler cette affaire et vérifier qu’il n’était pas trop gravement malade.

Après avoir enfoncé la porte, que ferait-il? Une question qui ne se posait pas puisque cette maudite porte refusait de céder sous ses coups. Il lui donna même un coup un peu de travers, coup qui eu pour conséquence de lui résonner dans le pied et la cheville. En réaction, Keiji ne fit que marmonner et pousser un petit « itta » à peine audible. Comme on le voit souvent, le malheur des uns fait le bonheur des autres et Shota poussa un petit son qui ressemblait à un ricanement devant la moue douloureuse que Keiji avait sur le visage.

-Oh toi la ferme.

La politesse ne faisait pas partie des qualités de Keiji et surtout pas lorsqu’on se moquait ouvertement de lui. À croire qu’il devenait Junpei, il fallait être paranoïaque pour croire qu’un bébé se moquait ouvertement de soi.
Le côté positif, pourtant, était que le bambin avait cessé de pleurer un peu. C’était tout? Il suffisait que Keiji s’amoche un peu et bébé était content? Apparemment, c’était le remède miracle!

Ce fut dans ce petit aparté de silence que Keiji entendit son nom. Tournant que la tête sur le côté pour savoir qui s’adressait à lui de manière si familière, l’expression « prit la main dans le sac » passa sur son visage l’espace de quelques secondes. Sayako. Il fallait qu’il tombe sur Sayako dans un moment pareil avec cette chose qu’il tenait à tout prix de cacher à ses connaissances. À croire que cacher l’existence de Shota à son père était plus facile que ça!
Parce que oui, Yamamoto Senior était en voyage d’affaire depuis un peu avant que Shota ne vienne tout chambouler dans la vie de Keiji et ce dernier avait bien mis en garde le personnel de la maison de ne surtout pas prévenir leur employeur. Il le ferait lui-même le moment venu, mais pour le moment, il fallait d’abord qu’il fasse un peu d’ordre dans son esprit. Il avait beau tout retourner, il ne comprenait pas comment Shota pouvait être son fils, Keiji n’était pas du genre à ne pas se protéger et même s’il avait blagué un peu sur la chose avec Masao, il en avait la certitude. Il n’y avait pas d’oubli là-dessous…

Pour en revenir au présent, Sayako s’était approchée, n’ayant pas remarqué que Keiji tenait quelque chose dans ses bras. Heureusement peut-être, mais elle finirait bien par le voir. Un bébé, ce n’était pas très facile de porter ça discrètement.

-Non, je vais bien.

En plus de tout ça, il n’avait pas vraiment eu le temps de faire le point sur l’affaire qui concernait Sayako. Tout ce qu’elle lui avait appris et voir maintenant ce qu’il advenait. Tout était encore embrouillé du fait que Shota l’avait empêché de réfléchir ces derniers jours. Pourquoi diable tout arrivait en même temps? Les éléments importants devraient faire la queue au lieu de causer un bouchon!
Et voilà, Shota recommençait à pleurer. C’était quoi la prochaine étape? Rouler sous un bus? Trêve de plaisanterie douteuse, les pleures attirèrent bien évidemment l’attention de Sayako qui put découvrir avec stupéfaction que Keiji avait bel et bien un bébé dans les bras.
À sa requête, Keiji fronça les sourcils, ayant un infime mouvement de recule comme s’il voulait protéger Shota d’un danger quelconque. L’instinct paternel qui commençait à naître en lui? Mieux valait ne pas y penser!
Se traitant intérieurement d’imbécile pour ce geste impulsif, il hocha finalement de la tête. Elle n’allait sûrement pas étrangler le gamin pour le faire taire. Si? Ça aussi, mieux valait ne pas y penser. Puis, Keiji était quelque peu au bord du désespoir, il n’avait aucune expérience des bébés et cette situation l’inquiétait au plus haut point maintenant.
Elle posa une main sur le front de Shota, prononçant ensuite son diagnostique. Il faisait de la fièvre. Peut-être avait-il passé trop de temps dehors la nuit où Keiji l’avait découvert…

-Hai.

Ne sachant pas combien de temps il avait passé au froid, ni l’effet que cela pourrait avoir sur lui, Keiji préférait consulter un médecin le plus vite possible.

-Tu viens aussi?

Demanda-t-il par la suite. Il sentait bien que Sayako, sans même savoir le pourquoi du comment, se sentait déjà un peu concernée par Shota. De plus, Keiji lui devait une explication. Lui, dehors en pleine nuit avec un bébé dans les bras et cette mine inquiète sur le visage… Sans une explication, il serait possible de croire aux trompettes du jugement dernier!

Si Sayako avait un instant imaginé qu’elle allait croiser Keiji en pleine nuit avec un bébé dans les bras devant les portes d’une clinique privée et fermée… Elle n’y aurait certainement pas cru sur le coup. Elle ne savait pas ce qu’elle devait croire sur les rumeurs qui circulaient sur Keiji. On le disait volage, enclin à coucher avec beaucoup de filles, de l’école ou d’ailleurs, mais de là ce qu’il en ait mis une enceinte… Il n’était pas inconscient non, à mois qu’il ait changé là-dessus aussi ? Peut-être aurait-il mieux valu pour le jeune homme que la Ford GT ne s’arrête pas cette nuit-là, que la jeune femme ne le reconnaisse pas… Peut-être. Mais n’était-ce pas plus mal qu’elle vienne lui donner un coup de même? Ce n’est pas que le Keiji avait l’air un peu désespéré mais tout de même… En sortant de la voiture, la jeune femme ne remarqua pas tout de suite que son ancien ami tenait un enfant dans les bras. Aussi, il était de dos, elle n’aurait pas pu le remarquer… Bon, déjà, il n’était pas malade, à moins qu’il ne lui cache la vérité, c’était un bon point non? Là-dessus, elle était rassurée. C’est alors que les pleurs d’un enfant se firent entendre. Un enfant? En pleine nuit? Dans… Dans les bras de Keiji?

Bien évidemment, Sayako eut l’air surprise.

Comment ne pas l’être, me direz vous. Très vite, elle comprit que c’était plutôt l’enfant qui semblait être malade, et non pas Keiji. Alors elle demanda l’autorisation de l’approcher, et le réflexe purement paternel du jeune homme lui tira un sourire qu’elle ne tenta pas de lui montrer. Comment l’aurait-il prit, elle n’en savait rien, et ne voulait surtout pas attisé sa colère ce soir. Oui, l’enfant était un peu chaud, il avait de la fièvre. Elle proposa de lui donner l’adresse d’un médecin de garde, et Keiji accepta. C’était le mieux, aux urgences, ils risquaient d’attendre pendant des heures et ce n’était pas du tout ce dont l’enfant avait besoin maintenant, et encore moins le père potentiel. Elle voyait très bien Keiji s’énerver et le bébé se mettre à pleurer de plus belle, rien de bon en somme. Sayako fut à nouveau étonnée à la question de Keiji mais le regarda un instant avant de hocher la tête. Mais elle tourna la tête vers sa jolie voiture : son père l’avait laissé conduire seule pour le retour, pensant qu’elle rentrerait directement, et étant donné qu'elle n'était pas majeure, s'il lui arrivait quelque chose… Et si elle n’était pas là quand ils rentraient de la réception, c’est-à-dire très bientôt ,elle risquait d’avoir de gros ennuis. Et surtout de lui poser des questions. Pourtant, il était étonnant de voir que si la voiture était là, ses parents ne s'inquièteraient pas et ne chercherait même à savoir si leur fille était bel et bien dans sa chambre...

Elle reposa à nouveau son regard sur Keiji.

« Ca t’ennuie si je monte avec vous? Ca risque d’être… compliqué sinon. »

Keiji la connaissait bien . Il devait savoir que lorsque les choses étaient compliquées avec Sayako, c’est que ses parents n’étaient pas loin, et sa mère plus précisément. Après avoir eut l’accord du jeune homme, elle récupéra son sac et sa veste dans la voiture. C’est qu’il faisait froid, et elle n’avait pas envie de plus s’attarder dehors par peur que l’enfant ne soit encore plus malade. Elle se glissa dans l’auto de Keiji, tout en composant sur son téléphone le numéro du médecin de garde qu’elle connaissait bien pour l’avoir fréquenté de nombreuses fois il y a deux ans et plus loin encore, quand elle était enfant. Elle parla calmement, annonçant qu’elle avait besoin d’un rendez-vous en urgence pour bébé qui semblait avoir de la fièvre. Cela ne sembla pas posé plus de problèmes. Elle passa ensuite un rapide coup de fil à son chauffeur, lui expliquant qu’il devait récupérer la GT là où elle l’avait laissé et qu’elle l’appellerait pour le retour. Finalement elle coupa son téléphone, le glissant dans son sac en resserrant ses bras autour d’elle, son brusque passage dehors en chemise légère de soirée l’avait refroidit.

Le chauffeur lui demanda quelle route il devait prendre, elle lui donna donc l’adresse et le on pourra ainsi dire merci au gps d’exister et laissait les deux adolescents parler.

« Le médecin nous attend… Il vous prendra directement en arrivant… »

Pas d’attente, un des privilèges bien pratique dans ce cas là, elle devait bien l’avouer.

Ses yeux se posèrent à nouveau sur l’enfant qui semblait s’être calmé maintenant qu’il était à nouveau au chaud. Il observait le visage de la jeune femme qu’il ne connaissait pas encore avec un petit air que seul les jeunes et vifs enfants ont encore. Elle eut un sourire qui se dissipa vite, avant de lever les yeux pour regarder le jeune homme, neutre, calme.

« Je peux connaître son nom? »

Elle n’avait pas encore demandé s’il s’agissait de l’enfant de Keiji ou non. Et elle ne savait pas si elle lui poserait la question. Elle n’avait pas à le juger, ce n’était pas le genre de Sayako. Mais s’il s’agissait du fils du jeune Yamamoto, elle se sentirait forcément concerné. C’était une partie de Keiji non, qu’il l’ait voulu ou non, il était bien là. Alors autant tout faire pour que l’enfant soit bien… non?

À la demande de Sayako, Keiji ne fit qu’hausser les épaules. Qu’elle vienne avec eux, qu’elle prenne le moyen par lequel elle s’était rendue jusqu’ici, il en avait, à vrai dire, strictement rien à faire. Shota l’inquiétait et… cette inquiétude était d’autant plus inquiétante.
Qu’est-ce qui lui arrivait? Ça ne lui ressemblait pas d’être comme ça. Sortir en pleine nuit pour trouver un médecin… On lui aurait dit qu’il le ferait tout juste hier, qu’il aurait rit au nez de cette personne et pourtant… Il était bel et bien là, tenant Shota contre lui, étant près à tout pour un médecin. Ça n’était pas lui ça. En temps normal, il aurait réveillé un domestique pour que lui ait le problème sur le dos et il serait sorti faire comme il faisait tous les soirs.

Un soudain changement, créé par une arrivée impromptue, Keiji était troublé, perdu… terrifié. Oui, terrifié. Au fond de lui, il était totalement défait devant tout ça. Ce petit être qui dépendait de lui… c’était bien la première fois que l’on dépendait de Keiji et ça lui faisait peur.

Grimpant dans la voiture, Keiji essayait encore de bercer Shota pour que, dont ne sait quel miracle, ce dernier se calme un peu, mais bien sûr, rien à faire.

-Tu vas me coller la migraine si ça continue…

échappa-t-il à demie plaintif. À vrai dire, il était surtout désespérément inquiet et cette inquiétude ne partirait que lorsqu’il aurait vu un médecin. Il le savait, il le sentait et pouvait l’affirmer aussi dur que le soleil se lève tous les matins.
Sur cet entre fait pendant lequel Sayako avait passé quelques coups de fil, Keiji remarqua sa tentative de se réchauffer. Possédé par un réflexe d’un autre temps, sans même réfléchir, l’héritier Yamamoto se contorsionna de diverses manières, tenant Shota d’un bras puis d’un autre pour finalement arriver à retirer sa veste de cuir qu’il jeta simplement sur les genoux de Sayako sans la moindre explication, sans le moindre mot. Mais les paroles étaient inutiles de toute manière et Keiji n’avait pas réellement l’envie de parler.

Bercer un peu Shota semblait avoir un certain effet sur le bébé et Keiji se permit enfin de souffler un peu, gardant pourtant son regard sombre fixé sur le petit être. Ses yeux étaient aussi indéfinissables que l’étaient ses sentiments. Mais de savoir que le médecin allait pouvoir ausculter Shota dès qu’ils arriveraient eu un certain effet calmant sur Keiji. L’enfer de l’ignorance allait bientôt s’éteindre, un professionnel allait prendre Shota en charge, Keiji était un peu plus rassuré.

-Shota, il s’appelle Shota.

Répondit simplement Keiji qui se faisait serrer le doigt par la petite main potelée du bébé.

-Oi, le regain d’énergie devant la dame c’est pas subtile, oubli!

Déjà à cet âge ça pensait à attirer l’attention… Un lien à faire avec le caractère de Keiji? Mais non, pas du tout!

Une fois à la clinique, Keiji fut le premier dehors, ne sentant même pas le froid passer au travers de son chandail mince et gris dont les manches avaient été retroussées jusqu’au coude. Pas le temps d’avoir froid, pas plus le temps d’y penser que Keiji était déjà l’intérieur de la clinique et deux minutes plus tard… il faisait les cent pas dans le couloir à poiroter dans un silence de mort où seul le bruit de ses pas venait rompre le silence. Le temps s’écoula doucement, trop doucement au goût de Keiji à qui il ne restait plus qu’une chose à faire, tout expliquer à Sayako. Il n’en avait pas forcément envie, le dire apportant un peu plus de réalité à la situation qu’il espérait encore être un cauchemar par moment. Mais il dû se rendre à l’évidence et ce fut après un profond soupire qu’il s’accroupi contre le mur, commençant par regarder le sol d’un air nouvellement intéressé.

-Je l’ai trouvé… il y a quelques jours…

Relevant ses prunelles noires sur Sayako qui lui faisait face, Keiji prit un petit temps pour une profonde inspiration avant de finalement révéler la suite des événements.

-Il était devant la grille d’entrée, comme dans les films. Tout ce qu’il y avait avec lui c’était un bout de papier qui disait son nom. Shota… Yamamoto Shota…

Effectivement, c’était assez étrange de voir Keiji aussi inquiet pour le petit Shota. Sayako trouvait cela plutôt touchant, pas dans le mauvais sens du terme. Keiji s’intéressait à cet enfant, sans s’en rendre vraiment compte, il s’inquiétait sincèrement pour lui. C’était compréhensible qu’il soit effrayé, qui ne l’aurait pas été en pensant qu’il venait de se découvrir un enfant caché jusque là, et qu’en plus le dit enfant était malade à cet instant? Une sorte de lien s’était créé entre eux, certainement parce que l’enfant devait être le fils de Keiji… N’était-ce pas ce qu’ils pensaient, Keiji et Masao, et ce que la jeune femme soupçonnait?
Keiji semblait n’avoir rien à faire qu’elle monte avec eux ou non, alors elle prit place dans la voiture, franchement refroidie, appelant son chauffeur qu’elle avait sûrement du réveiller pendant sa pose, le pauvre. Finalement elle s’installa donc et eut un sourire furtif lorsque Keiji s’adressa à l’enfant en disant qu’il allait lui donner la migraine. C’était tout à fait possible, pourtant l’enfant se calmer plutôt vite, au chaud et bercé par les bras de Keiji, il semblait plutôt bien, là. Sayako tourna la tête pour regarder à l’extérieur, avant de recevoir sur les genoux quelque chose qu’elle n’identifia pas tout de suite, ce n’était pas attendu. Elle le prit entre ses mains et reconnu le cuir chaud de la veste de Keiji. Elle le regarda un instant, elle ne voulait pas qu’il ait froid lui aussi. Comme il ne la regardait pas, elle se contenta de passer la veste encore tiède sur ses épaules.

« Merci. »

Sayako était légèrement troublée par ce geste.

Il lui rappelait le temps où ils étaient encore très proches, où ils étaient encore amis, le temps où elle et lui allaient bien. Finalement la petite brune demanda quel était le nom de l’enfant, serrant bien autour d’elle la veste en cuir. Shota… C’était un joli prénom. Elle n’en dit rien pour le moment, se contentant de regarder le père et le fils. Le petit tenait fermement le doigt de son père, le secouant sans beaucoup de délicatesse, fasciné par cela ou par le regard de son père posé sur lui. Sayako ne put retenir un sourire amusé de passer ses lèvres. Était-ce un trait de caractère qu’ils avaient en commun? Elle ne put s’empêcher de penser à cela alors qu’ils arrivaient finalement devant la clinique où le médecin de garde qu’elle connaissait travaillait.

Sayako n’attendit pas qu’on lui ouvre la porte, elle sauta hors de la voiture, suivant Keiji qui était déjà entré dans la clinique. Ils se retrouvèrent dans la salle d’attente, et Sayako l’observa faire les cent pas pendant quelques instants. Il était bien plus qu’inquiet, il était nerveux… Finalement, il s’accroupit contre le mur, commençant à lui expliquer comment l’enfant été arrivé dans sa vie. Elle ne dit rien un moment, se contentant de regarder Keiji sans ciller, semblant réfléchir. Est-ce que demander s’il était le père était nécessaire étant donné la situation dans laquelle il était? Elle pensait que non et finalement, elle vint s’accroupir devant lui, la veste en cuir toujours sur les épaules.

« Si tu as besoin d’un coup de main … féminin, n’hésite pas à m’appeler. D’accord? »

Elle eut un léger sourire. Elle n’avait pas à juger ce que faisait Keiji, elle était très mal placée pour dire quoi que ce soit, alors autant lui proposer son aide non? Puis elle regarda Shota, écartant du bout du doigt la couverture qui l’entourait pour le regarder .Ses yeux n’arrêtaient pas de faire les aller retours de son papa à elle, puis ils se reposaient sur le visage de son père avec une sorte d’émerveillement tout à fait enfantin.

« Tu feras un bon père. »

Sayako avait lâché ça simplement en regardant l’enfant, mais en effet elle parlait de Keiji. Avant qu’il n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit, la porte s’ouvrir sur le médecin. Sayako se releva, saluant son traitant, avant de laisser entrer Keiji pour qu’il puisse parler avec le médecin. Elle ferma la porte en entrant. Elle ne comptait pas rester longtemps, seulement le temps de savoir ce dont avait besoin Keiji. Elle passerait rapidement à la pharmacie de garde pendant qu’il attendra au chaud dans la voiture avec l’enfant.

La mine profondément grave et sérieuse, Keiji venait de terminer, prononçant finalement le nom entier du petit bonhomme, se libérant, d’une certaine façon, de ce poids qu’il ne voulait pas cacher à Sayako. Elle avait vu le bébé, elle avait vu l’adolescent totalement désemparer, Keiji ne pouvait pas lui mentir en inventant un membre de famille né durant l’absence de la jeune femme. Keiji était beaucoup de choses, mais menteur n’en faisait pas partie et surtout pas aux personnes qui étaient le plus proche de lui. Certes, il se considérait plutôt en froid avec Sayako, mais leur connaissance de l’autre restait relativement la même, il se serait amusé à mentir qu’elle l’aurait probablement tout de suite décelé.

Il fallait bien admettre également que Keiji était fatigué. Fatigué de penser, fatigué de prétendre qu’il n’y avait rien lorsque l’on constatait que sa mine endormie en classe ne faisait plus référence à de la paresse, mais bel et bien à un manque de sommeil. Fatigué également de chercher des réponses comme si ce qu’il devait faire allait se révéler à lui s’il restait là à attendre qu’on lui montre le chemin. Keiji n’en pouvait plus de ce demi état, piégé entre l’inconnu et le connu. Les faits étaient là, ce n’était pas un cauchemar, demain au réveil Shota sera toujours là. Mais d’un autre côté, Keiji ne savait tellement pas quoi faire! Déjà, il ne connaissait rien aux enfants, encore moins aux bébés et ensuite… avoir la charge d’un être humain c’était énorme. Plus qu’énorme, c’était trop important pour les épaules de Keiji qui n’arrivait même plus à mettre sa confiance en quelqu’un.

Keiji se sentait un peu mieux maintenant qu’il avait dit ce qu’il en était à quelqu’un qui n’était pas un des Golden Boys. Ses amis ne lui diraient jamais rien, ils l’appuieront quoi qu’il fasse, mais jamais ils ne diront quoi que ce soit d’autre, il le savait et ce n’était pas vraiment ce dont il avait besoin. Il lui fallait quelqu’un qui ait le courage de lui dire de laisser tomber le bébé si c’était mieux pour lui, il fallait que quelqu’un ait le culot de lui dire que même songer à peut-être le garder était totalement stupide! Pourquoi? Eh bien, peut-être parce que, au fond, Keiji songeait de plus en plus qu’il ne pouvait pas abandonner Shota. Ce bébé réveillait quelque chose en lui, quelque chose qu’il croyait mort depuis longtemps. Mine de rien Keiji avait l’impression de revivre, de retrouver une partie de lui qu’il désespérait de ne plus retrouver. Pouvait-il jeter l’être qui avait permis ça comme une vulgaire chaussette?

Tant d’incertitudes que les paroles de Sayako le rassurèrent quelque peu. Elle lui offrait son aide. Il n’était pas seul, s’il le désirait, face à tout ça. Ce n’était pas grand-chose, mais pour Keiji, s’était beaucoup. Cela impliquait peut-être de devoir se ré ouvrir un peu à Sayako, mais sur le moment, il en avait besoin. Il avait besoin de sentir que s’il le voulait, il pouvait s’appuyer sur quelqu’un.

Être un bon père? À cette mention, Keiji bouffa légèrement de rire. Là par contre, l’affirmation de Sayako était peut-être un peu prématurée, voir tirée par les cheveux.

-Permet-moi d’en douter…

Lorsque Keiji regardait son propre père, ce dernier avait la pensée qu’il était un bon père parce que son fils ne manquait de rien. Ce genre de bon père, Keiji avait surtout envie de leur rire à la gueule, il était trop bien placé pour savoir que ce n’était pas ce qui faisait d’un père un bon père. Mais Keiji pourrait-il être autrement? Il ne savait même pas ce qu’il devait faire, il n’avait rien sur quoi se baser non plus…

Interrompu dans ses pensées par le médecin, Keiji se releva amenant Shota dans la salle d’examen pour le faire ausculter. Bien cela paru interminable pour l’adolescent, ça ne dura que quelques minutes. Shota avait attrapé froid, le médecin comprenant tout de suite d’où cela venait lorsque Keiji lui révéla les circonstances dans lesquelles il avait trouvé le petit. Ce n’était rien de bien grave, des antibiotiques durant quelques jours et Shota irait vite mieux. Le soulagement se lu instantanément sur le visage de Keiji tandis que le médecin était déjà en train de faire la prescription qu’il donna ensuite au jeune homme.
Une quinzaine de minutes plus tard, la voiture Yamamoto s’arrêtait devant une pharmacie ouverte vingt-quatre heures…

Sayako ne pouvait pas vraiment savoir ce qu’il se passait à l’instant dans la tête de Keiji. Elle se doutait qu’il devait être franchement déstabilisé, fatigué d’avoir à s’occuper de cet enfant alors qu’il n’avait pas l’habitude de le faire. Et surtout toutes les questions qui devaient lui arriver de plein fouet dès qu’il repensait à ce petit Shota : était-il son fils? Comment cela avait-il pu arriver? Comment allait-il faire pour s’en occuper? Des questions tout à fait normales, à cet instant, une angoisse sous jacente ,et connaissant Keiji, elle se doutait qu’il ne valait mieux pas qu’il supporte cela tout seul, ou au moins qu’il puisse s’appuyer sur une ou deux personnes en cas de problèmes, ou même à n’importe quel moment. C’était le seul moyen de lui laisser un peu de temps à lui pour réfléchir. Ou alors fallait-il qu’il puisse s’habituer à la présence de l’enfant dans sa vie. Shota semblait lui apporter quelque chose que personne ne pouvait lui procurer. Keiji sortait la tête de l’eau à l’instant où il s’inquiétait pour l’enfant… Ou au moins il remontait doucement vers une lumière, vers quelque chose de positif … Merci Shota ? Sayako avait envie d’y croire, pourtant elle n’en dit rien. Elle était là pour Keiji, bien sûr, mais elle savait qu’il n’avait pas vraiment eu le temps de réfléchir à tout ce qu’elle lui avait expliqué, elle n’allait pas lui dire tout cela de but en blanc, comme ça, comme avant.

Pourtant elle assura qu’elle serait là pour lui. Bien sûr .Même si elle n’avait pas eu une expérience des jeunes enfants, elle aurait été là. Plusieurs fois elle avait du garder sa toute petite cousine alors que ses parents et ceux de Sayako sortaient… Elle aimait bien les enfants, ils étaient innocents, jusqu’à un certain âge, et ils ne faisaient pas de mal volontairement. Finalement, elle assura que Keiji serait un bon père. A sa remarque, elle ne put que lui adresser un sourire qui reflétait ce qu’elle pensait, même s’il était difficile à lire .Elle partait de la même base que Keiji : son père . Il ne l’avait jamais évoqué franchement, ou alors une seule fois pour lui expliquer, et quelques remarques du jeune homme avait vite fait sentir à Sayako quels genres de liens ils entretenaient. Peut-être parce qu’elle avait elle aussi une relation instable avec sa mère, elle pouvait comprendre un peu. Même si au fond, la relation qu’elle avait eu, et que malgré elle, elle continuait d’avoir avec sa mère était franchement tordue. Keiji semblait tellement souffrir de l’attitude de son père envers lui qu’elle était certaine, convaincue même, que jamais il ne ferait les mêmes erreurs… Après, elle était extérieure à tout cela, les choses lui apparaissaient différemment.

Pourtant, Sayako n’aurait jamais été d’assez mauvaise pour lui dire franchement d’abandonner le bébé s’il voulait se faciliter la vie. S’il ne se sentait pas capable de l’élever, si jamais c’était vraiment, vraiment sa décision, là elle l’aurait certainement aidé à prendre les dispositions nécessaires, mais même s’il était réellement son fils, même si cela impliquait énormément de choses, elle préférait au fond d’elle que Shota reste auprès de Keiji. Elle sentait que c’était nécessaire… Mais elle fut coupée dans ses réflexions par la porte s’ouvrant sur le médecin qu’elle connaissait bien. Le diagnostic fut rapide : le petit bout avait certainement attrapé froid durant le temps qu’il avait passé dehors, devant la grille des Yamamoto, la nuit où Keiji l’avait trouvé .Rien de bien grave, mais cela avait permis à Keiji d’être rassuré, on pouvait le lire sur son visage, et les deux adolescents eurent la liste des choses nécessaires pour que le bébé se remettent . Le praticien confia la prescription à Keiji, et Sayako le remercia à nouveau de les avoir reçu en urgence. Après avoir regagné la voiture, ils se retrouvèrent, une vingtaine de minutes plsu tard, devant une pharmacie de garde dont les néons éclairés la nuit plus très sombre de Tokyo. Sayako prit son sac et regarda Keiji et l’enfant.

« Restez au chaud, j’en aurai pas pour longtemps. »

Elle prit la prescription et disparut dans la pharmacie. Effectivement, l’échange fut rapide, puisque la jeune femme se retrouvait à nouveau dans la voiture, quelques minutes plus tard. Elle déposa un sachet de médicaments à côté de Keiji, puis un autre sachet un peu plus gros à leur pieds.

« Voila, y a tout ce qu’il faut. Je t’ai pris des rechanges , et du lait, même si tu en as déjà, c’est toujours ça d’avance. »

Il y avait aussi quelques autres choses qu’elle n’avait pas précisé, des petits accessoires nécessaires qui faciliteraient certainement la vie de Keiji. Même s’il avait peut-être déjà tout sous la main, il aurait quelques réserves en plus, cela avait été un réflexes pour la jeune femme qui ferma son sac avant de regarder Shota. Le médecin lui avait donné de quoi calmer sa fièvre tout de suite, histoire que cela n’empire pas, et la jeune femme eut un léger sourire en le voyant somnoler.

» bousculade quand tu nous tiens; pv.
» Ennui quand tu nous tiens [pv]
» Manga quand tu nous tiens !!! [Mitashi]
» Quand la honte nous poursuit...[PV Jun Ogawa]